Le cauchemar de Freddie Mac (et de Fannie Mae)

Publié le par loïc abadie

On va sans doute en entendre beaucoup parler dans les semaines et mois à venir :

Freddie Mac et Fannie Mae sont deux organismes géants spécialisés dans le prêt et la titrisation hypothécaire, "sponsorisés" par le gouvernement américain, mais néanmoins privés et ne bénéficiant pas de la garantie de l'Etat Fédéral.

Ils détiennent un portefeuille impressionnant de prêts hypothécaires : 

2191 milliards de $ pour Freddie Mac 

2985 milliards de $ pour Fannie Mae, soit plus de 5 000 milliards de $ au total, et on peut estimer qu'ils contrôlent plus de la moitié du marché des prêts immobiliers aux USA.

La croissance du portefeuille de prêts qu'ils détenaient s'est encore accélérée en 2007, au rythme de 14 à 15% /an, encouragée à fond par l'action du gouvernement US.

Mais voilà, toute fuite en avant finit par prendre fin un jour, et ces derniers jours une véritable panique s'est emparée du marché au sujet de ces deux sociétés, sur fond de rumeurs d'insolvabilité et de défaillance à venir des deux géants du prêt hypothécaire US.

Le cours de leurs actions s'est littéralement effondré, après une longue descente entamée en 2007 : L'action freddie mac a vu son cours chuter de plus de 60$ en octobre 2007 à 8 $ hier.

 

Notre "supergéant" du crédit ne pèse plus en bourse que 5 milliards de $ (donc 400 fois moins que le total de ses prêts immobiliers). Et la banque Lehman Brothers (qui s'y connaît d'ailleurs plus que bien en matière de déroute bancaire et boursière) estime qu'il faudra trouver rapidement 75 milliards de $ pour renflouer nos prêteurs.

(actualisation de vendredi soir : Freddie Mac a encore accéléré sa chute libre, et perd actuellement 47% supplémentaires en bourse par rapport au cours de la veille et ne cote plus que 4,3€. Elle capitalise donc moins de 3 milliards d'€)

Les problèmes de Freddie Mac et Fannie Mae sont potentiellement bien plus graves pour le système financier que la défaillance de bear stearns en mars : Bear stearns pesait environ 400 milliards de $. Cette fois l'ordre de grandeur est 12 fois supérieur.

Et le problème est tout simplement de savoir si il existe une institution capable de sauver ces organismes en cas de défaut, et d'éviter ainsi une panique totale.

- La FED est cette fois "hors-jeu" : avec "seulement" 900 milliards dans son bilan (dont 1/3 déjà utilisé pour bear stearns), elle ne pourra strictement rien faire pour garantir les 5000 ou 5200 milliards de prêts de Freddie Mac et Fannie Mae.

- L'Etat US (qui est largement à l'origine de la naissance et de la croissance incontrôlée de nos deux géants) aura aussi bien du mal à agir : Il ne peut sans doute pas nationaliser directement freddie mac et fannie mae : Cela augmenterait la dette fédérale de 50% d'un coup et provoquerait une perte de confiance totale dans le $ et ferait flamber les taux...Ce qui ne ferait qu'accélérer le désastre.

Il devra donc trouver une solution intermédiaire (caution ou autre) pour limiter comme il le pourra les dégâts.

Le secrétaire d'état au Trésor, Henri Paulson a eu en tout cas cette phrase étonnante : "Financial Institutions Must Be Allowed To Fail " (Nous devons laisser aux organismes financiers la possibilité de faire faillite), ce qui ressemble beaucoup à un aveu d'impuissance comme le souligne dans un article récent Mike Shedlock.

Quoi qu'il en soit, sans Freddie Mac et Fannie Mae, le système perdrait 50% de sa capacité à produire de nouveaux prêts immobiliers, donc autant d'acquéreurs potentiels en moins : C'est un cercle vicieux observé dans toutes les grandes crises : 

retournement de la conjoncture -> défauts d'emprunteurs en hausse ->pertes bancaires -> moins de prêts possibles -> conjoncture encore plus mauvaise...Le mécanisme ne s'arrête qu'une fois les dettes en excès détruites, après une sévère récession.

A part cela, tout va évidemment pour le mieux :

- "le pire de la crise est passé" (c'est en tout cas la pensée du jour de DSK,  directeur du FMI)

- Et le président de la FED, décidément en plein conte de fées, pense au sujet de Freddie Mac et Fannie Mae que "Si elles sont solides, bien régulées, bien capitalisées et concentrées sur leur mission, elles seront capables d'augmenter l'accès au crédit immobilier sans poser de risque pour le système financier et le contribuable"...Dommage que les marchés ne soient pas de son avis !

Pour finir, un bon article  du journal Belge "l'echo" sur le sujet.

 

Publié dans immobilier

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G
Je tombe sur cet article en 2018, au moment où nous nous souvenons de la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, il y a 10 ans tout juste. <br /> <br /> Force est de constater que beaucoup d'insiders avaient vu venir la crise financière, bien avant le krach. Mais personne ne les a écouté, et surtout pas Greenspan, le FMI, ou Paulson.
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T
J'apprécie votre anlyse, qui confirme l'impossibilité pour les USA de faire face à la situation financièrement et politiquement (le dollar a perdu sa valeur d'étalon à l'international). Mais, parallèlement, cette faiblesse du sytème financier mondiale, dépendant d'une économie nationale (qui n'est plus responsable que du quart des échanges mondiaux), montre que le dollar n'a pas de remplaçant. Un peu comme un président de la république française (quelqu'il soit) : ce n'est pas le meilleur par son action, mais c'est notre seul choix possible, donc sa force vient de la failbesse des autres possibilités. Ces différentes crises qui se supperposent, nous montre la faiblesse d'un système mondiale basé sur une économie qui agit dans son propre intérêt (ce qui est humain), mais ne montre pas encore un monde organisé sur de multiples centres de décision éclatés. En d'autres termes, nous assistons à la réorganisation du monde basé sur la puissance sans contestation des USA, vers un autre monde, qui reste à créer. Il est donc possible que les USA maintiennent leur leadership encore longtemps, faute de mieux (on sait ce que l'on quitte, on ne sait pas vers quoi on va). Mais, la nouvelle, c'est que ce temps est définitivement limité, le "modèle" US ayant vécu, cad ne pouvant plus apporter stabilité et richesse au monde. Peut être la référence disparait parce qu'elle a trop bien réussi, par faute de combattant ? Consequemment, les USA se fatiguent de diriger le monde, dont ils deviennent la cible et que, de plus, ils ne comprennent pas ; les USA sont un pays trop grand, qui se suffit à lui même. Ces crises sont l'aboutissement des excès de la mondialisation, au sens que c'était un système qui était très lucratif et donc, selon la loi de l'avidité maximum, le système s'est détruit de lui-même. Comme l'Union Soviétique en son temps. Il va falloir réapprendre l'économie et louché , voi avoir des yeux dans le dos? Qu'il était bon le temps où il suffisait d'écouter Wall Street pour connaitre la météo du monde économique ! Je ne pense pas que, cette fois-ci, les USA réussiront à se trannsformer suffisamment pour reprendre le leadership. Non pas qu'ils en aient pas l'ambition, ni même l'imagination. Mais d'autres veulent lui prendre sa place et, fait nouveau, ces autres en ont les moyens intellectuels et financiers. C'est pour cela que, au bout d'un an, nous sommes toujours dans le noir, malgré un krach qui s'accèlère : beaucoup de forces vont dans des directions différentes, ce qui renforce les crise. Espérons que ces ofrces auront la sagesse des restaurer quelques temps l'ordre ancien, pour nous donner du temps pour en imaginier un nouveau. Nouveau, malheureusement, ne voudra pas forcemment dire sans guerre et démocratique. Donc, en toute humilité, ces prochains temps appatiendront plus aux besogieux terre à terre et opportuniste, qu'aux intellectuels en expertises économiques. En bourse et ailleurs, il faut, plus encore que précédemment, être opportuniste et pragmatique.
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D
Bonjour M. Abadie,Selon vous, quand les USA auront-ils "purgés" leurs crédits "pourris" ?Si j'ai bien compris, jusquà mi-2007, les banques US ont accordés des crédits hypothécaires exotiques avec des effets neg nam à 2-3 ans. Cela signifie-t-il selon vous mi-2009 / mi-2010 pour finir la purge ?Les bourses anticipent, donc on pourrait extrapoler que ces informations sont déjà intégrés dans les cours ? Ou bien pensez-vous que les cours ne tiennent pas encore compte du ralentissement / voire récession que vous prévoyez ?Vous dites que les cours devraient revenir au niveau des bas de 2003. Mais ne pensez-vous pas que les sociétés qui engrangés de bénéfices de 2003 à maintenant ont pris ou prendront des mesures pour préserver leur substance ? Ce qui pourrait ne pas nous faire revenir aussi bas que 2003 ?Merci d'avance de votre réponse.
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L
<br /> <br /> Quelques réponses :<br /> <br /> <br /> - Sur les crédits pourris, le problème est que la "pourriture" a une fâcheuse tendance à s'étendre. Et de fait elle va déjà bien au delà des subprimes et des neg-ams: tous les prêts immobiliers à<br /> taux révisable (option arm) sont concernés (effet au moins jusqu'en 2012), mais les défauts sont maintenant en train de s'étendre aux catégories "prime" censées être "sûres". Et plus les prix de<br /> l'immo chutent, plus il y aura de défauts de paiement...ou tout simplement de propriétaires qui choisiront délibérément de ne pas rembourser et d'envoyer les clés à la banque parce que leur<br /> logement vaudra moins que le crédit qu'ils ont à rembourser.<br /> <br /> <br /> Ensuite, la récession entraîne avec elle d'autres défauts de paiement : des entreprises qui font faillite, des ménages qui sont au chômage ou subissent des baisses de revenus et ne peuvent plus<br /> rembourser leurs crédits...etc. Le Japon a traîné son problème pendant une décennie (et -80% sur le Nikkei). Cette fois la bulle est plus étendue. Je ne pense pas que les problèmes actuels seront<br /> réglés en 2 ans.<br /> <br /> <br /> - Sur les cours je ne dis pas qu'on reviendra au niveau des point bas de 2003, je pense qu'on ira en dessous. Ca ne se fera pas en ligne droite évidemment et il y aura des rebonds techniques<br /> (comme en mai dernier), mais pour moi nous sommes engagés dans un marché baissier de plusieurs années.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
Bonjour,Finalement dans l’éventualité d’un choc pétrolier cela ne permettrait-il pas au US de sortir de cette crise du crédit ?Un pétrole à 400USD ne créerait-il pas une pluie de pétrodollar et de l'inflation suffisamment pour gommer ces mauvaises dettes ?N'est-ce pas finalement le mécanisme que l'on observe a l'heure actuelle: des taux longs qui ne bougent pas et qui sont même en réel négatif ? D'ailleurs finalement n'est ce pas ce qu'il c'est passé durant les années 80 ? Pourquoi cette dernière crise de la dette ne s'est elle pas terminé en déflation ? Les deux chocs pétrolier successif n’y sont il pas pour quelque chose ?<br /> Un choc pétrolier ferait perdurer cette situation le temps suffisant car en l'absence d'une réduction majeure de l'offre la correction de la demande elle est toute proche avec a la clef une chute des cours du pétrole.Mais sinon oui en l'absence de cette éventualité une déflation est l'issue logique. <br />
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P
J'interpelle les internautes et Loïc : que pensez-vous du crédit agricole ? Je ne me suis pas méfiée puisque ce sont des banques régionales, depuis les derniers évenements j'ai des doutes.....merci de me répondre. Encore une fois, bravo et merci pour  ton livre,Loïc, il fait des adeptes sur les plages de la côte d'azur!
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