Déflation / inflation : Que penser du dollar ?
Beaucoup de sites qui partagent en partie les analyses développées ici (sur la bulle de crédit et l’imminence d’une sévère crise économique) pronostiquent aussi un effondrement du dollar.
Leur argument est à priori assez logique :
- Les déficits commerciaux et des comptes courants US dépassent 6% du PIB, une telle tendance mettra l’endettement public des USA à un niveau complètement intenable.
- Les pays étrangers comme la Chine qui accumulent des réserves en $ vont perdre confiance et vendre leurs dollars.
Cela est effectivement en partie vrai, et le sera sans doute si les tendances actuelles se prolongent sur une durée de 10 ans ou plus.
Mais le problème est qu’on ne raisonne ici que sur les comptes publics (déficit de l’état US, avoirs de l’état chinois…etc), en « oubliant » complètement la partie privée du système.
Cette partie est pourtant la plus grosse : 4/5 de la dette totale des USA est privée.
Les actifs privés investis à l’étranger depuis les USA sont très importants : plus de 140 milliards de dollars annuels s’investissent depuis les USA vers des fonds d’actions étrangères (source).
Ce chiffre ne prend en compte que les investissements en actions, une simple classe d’actifs parmi beaucoup d’autres.
Une étude de Goldman et Sachs montre aussi que les américains achètent de plus en plus d’actions étrangères.
En 2003 les investissements directs des USA à l’étranger se montaient à 1793 milliards de $ (à comparer avec les 500 ou 600 milliards de $ détenus par la Chine). Ce chiffre a augmenté encore aujourd’hui.
En cas de « crédit crunch », les acteurs privés du système américain risquent de rapatrier vers les USA leurs crédits et investissements à l’étranger :
- soit par peur du risque : en cas de crise, on préfère vendre les placements « lointains » et les ramener « chez soi ».
- soit par obligation pour rembourser leurs dettes).
Ils vont aussi probablement arbitrer leurs actifs risqués (actions, obligations risquées) vers des valeurs perçues comme moins risquées : bons du trésor, instruments monétaires.
Dans ce contexte, le dollar pourrait donc être temporairement recherché pendant les premières années de la crise, et il est dangereux de vouloir spéculer sur la baisse du $ dans ce contexte.
Plus d’une décennie de déflation Japonaise, pendant laquelle la dette publique de ce pays a atteint 164% du PIB (contre 70% actuellement aux USA) n’ont pas fait baisser le yen (voir ce graphique yen/$).
En fait le plus probable est qu'il y ait deux temps dans la crise à venir :
1) Phase déflationniste pure : l’ensemble des actifs baissent en même temps et sans distinction, même les métaux précieux et matières premières. Pendant cette phase, il faudra privilégier uniquement le cash, comme expliqué dans la rubrique « conseils » du site. Les monnaies prennent de la valeur puisque leur pouvoir d’achat augmente face aux autres actifs dont le prix baisse. Les mouvements entre monnaies devraient par contre être particulièrement imprévisibles et chaotiques (liés à des phénomènes uniquement psychologiques).
Pour ceux qui veulent « tirer profit des tendances », on peut prendre quelques positions baissières sur les indices boursiers (avec le BX4 par exemple), mais il vaut mieux éviter de spéculer sur l’effondrement de telle ou telle monnaie.
2) Phase « keynésienne » : quand une part suffisante de dette privée sera liquidée et que les gouvernements n’auront plus rien à perdre au plus fort de la crise, il est très possible qu’ils se lancent dans une politique keynésienne (relance financée par le déficit public). On pourrait alors assister à des dévaluations compétitives entre monnaies et au retour de l’inflation…là le dollar a de bonnes chances de baisser fortement, mais uniquement dans un deuxième temps, après plusieurs années de récession !