Reprise du $ : une bonne nouvelle...vraiment ?

Publié le par loïc abadie

Dans l'article précédent, je me suis "attaqué" une première idée reçue sur les liens entre or (et plus particulièrement les mines d'or) et récession.

Les partisans qui comptaient sur les mines d'or pour les protéger de la récession en sont en tout cas pour leur frais, le principal indice minier (HUI) ayant subi comme annoncé ici fin 2007 un véritable krach, l'addition s'élevant à présent à -36% sur les plus hauts de 2008 en euros...donc bien pire que les indices généraux.

Dans cet article, je donnerai mon avis sur une autre idée reçue, que l'on entend actuellement beaucoup dans la sphère économique. Selon cette idée "en vogue",  la reprise du $ et la baisse du pétrole et des matières premières irait dans le sens d'une fin de la crise, ou tout du moins d'une amélioration de la situation. La réalité risque d'être très différente

Pour comprendre ce qui se passe actuellement, voyons les causes de la baisse passée du $ et de la hausse passée des matières premières de 2007 et début 2008 :

1) L'économie US était vue (à juste titre) comme en danger à cause de la crise de l'immobilier et du crédit qui touchait ce pays.

2) Pendant ce temps, le reste du monde (zone euro) restait peu touché, et les émergents poursuivaient leur rapide croissance.

3) Le différentiel de taux entre zone dollar et zone euro devenait de plus en plus favorable à l'euro.

4) Comme peu de pays hors US étaient atteints par la crise, la demande en matières premières continuait de progresser rapidement.

5) Un déficit commercial important était observé aux USA.

Toutes ces données incitaient les investisseurs à quitter le dollar pour l'euro et les matières premières, les deux étant vus comme "valeurs refuges".

Depuis le 2ème trimestre 2008, cette situation commence à changer.

1) La crise reste toujours aussi grave aux USA.

Mais 

2) La zone euro et le Japon sont en train de basculer vers la récession, suivis par d'autres pays.

3) Le différentiel de taux entre $ et euro risque de diminuer (la récession en zone euro conduisant à des baisses de taux en Europe).

4) La conjoncture sur les matières premières se retourne, de plus en plus de pays entrant en récession, ce qui diminue la pression sur la demande...même la Chine n'échappe plus complètement au phénomène : les importations de pétrole y ont chuté de 7% en juillet.

Cet article de Spiegel Online résume bien la situation en Chine. Bien entendu, ce pays est parfaitement armé pour repartir rapidement de l'avant en fin de crise (endettement faible de l'état, épargne abondante)...Mais en attendant, il n'est pas à l'abri de la conjoncture mondiale, loin de là.

5) Le déficit commercial US pourrait être diminué par la crise (même si c'est pour le moment loin d'être fait !) pour trois raisons :

- les consommateurs US ayant moins de pouvoir d'achat importeront moins.

- la chute précédente du $ rendra les produits US plus attractifs à l'export.

- La baisse des matières premières (pétrole en particulier) diminuera le déficit lié aux importations pétrolières.

Voir cet article de calculated risk

Du coup, l'euro et les matières premières perdent en partie leur aspect de "valeur refuge" aux yeux des investisseurs, et le dollar en profite...ça ne va pas mieux aux USA, ça va moins bien ailleurs, ce qui n'est pas du tout pareil.

La hausse du $ n'est donc en aucun cas un signe d'amélioration de la situation : la baisse des matières premières et la hausse du $ nous avertit au contraire que la crise s'étend au reste du monde et s'aggrave !

 

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H
Déflation ?! Pas plus de 20% de chanc   <br /> 10:33 05/09/08 Comme le dit Marc Faber, dans toute allocation d'actifs, il faut se garantir sur plusieurs flancs. Faber est à 20 % en or, 10 % en matières premières (et il a prévu un<br /> passage difficile pour ces dernières fin 2008-début 2009), et le reste<br /> réparti par tranches de 10 % dans plusieurs secteurs, en privilégiant<br /> certains émergents et les Etats-Unis. Il avait aussi prévu dès le mois de mars la remontée future du dollar. Je suis ses conseils "aveuglément". Certes, je suis 5 à 15 % au-dessous de mes plus haut sur mes lignes, mais je profite de cette baisse pour renforcer de toutes parts (matières premières agricoles, pétrole, or, biotech, technologies nouvelles essentiellement). Pour l'instant, le risque inflation me paraît bien plus élevé que le risque déflation. Et Faber, qui a également prévu depuis le début de l'année une baisse de la demande sur le pétrole (contexte récessionniste), va aussi dans ce sens.
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L
<br /> <br /> Mon avis : ce n'est pas "Marc Faber" ou qui que ce soit d'autre qui fixe les "pourcentages de chances" de déflation...c'est le marché qui en décide.<br /> <br /> <br /> Et pour le moment, depuis le déclenchement des "hostilités" mi-2007 les grands gagnants sur les marchés sont ceux qui ont misé sur la déflation via un mix cash + positions baissières sur indices<br /> (comme conseillé dans ce blog). Tous les actifs à risque se sont pris des claques plus ou moins marquées, y compris le secteur minier conseillé comme soi-disant "refuge" par les inflationnistes :<br /> <br /> <br /> -35% sur le XAU (indices des grandes mines d'or)<br /> <br /> <br /> - Des valeurs minières "symboliques" comme le "supergeant" Rio Tinto ont déjà perdu 40% sur leurs plus hauts, idem pour eramet sur le marché de Paris (plus de 50% de baisse).<br /> <br /> <br /> - Le secteur des matériaux de base forme une splendide figure de retournement LT depuis quelques mois :<br /> <br /> <br /> http://www.boursorama.com/graphiques/graphique_histo.phtml?symbole=2cSXPP (voir le graphique sur 5 ans).<br /> <br /> <br /> Sur les marchés, la déflation n'est plus une question de probabilités, elle est déjà là et a commencé son travail de sape sur les portefeuilles de ceux qui ne l'avaient pas anticipé. Elle n'est<br /> pas encore effective au niveau des prix à la consommation, mais ce n'est à mon avis qu'une question de temps.<br /> <br /> <br /> Wait and see...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
D
@M. Van Mulders,Désolé de vous décevoir Monsieur, mais je pratique la vente à découvert, malgré mon commentaire à M. Abadie.Vous serez contraint de me classer dans les vilains canards !Tant pis.Meilleurs messages.
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L
@ Mr Douglas Mortimer,Je préconise effectivement quelques matières premières comme la sidérurgie (du grec sideros, fer qui désigne à la fois les techniques d'obtention de la fonte, du fer et de l'acier à partir de minerai), avec "ArcelorMittal" ou aussi les freins des trains, des trams, des métros (entre les autres choses que cette très belle entreprise fabrique) avec "Faiveley", mais JAMAIS le riz ou le blé ! Ne confondez pas SVP. Je n'ai rien avoir avec la banque KBC et leur nouveau fond d'investissement. <br /> Et effectivement si une entreprise choisit d'augmenter ses fonds propres au lieu de s'endetter une baisse du cours de son action la pénalise "grandement". Et je confirme que la "vente à découvert" d'un titre qui est en baisse provoque la chute continue de ce dernier et nuit au marché dans son ensemble !Bàv.Luc, l'élève qui veut dépasser le maître ;o))  
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D
Bonsoir M. Abadie,Je reviens sur votre phrase suivante : "Une entreprise solide et saine n'a rien à craindre de l'évolution de son cours de bourse ni des vendeurs à découvert...Le cours de bourse n'est qu'un baromètre de la santé de l'entreprise !"Si l'entreprise en question n'a pas besoin d'augmenter ses fonds propres, alors je suis d'accord avec votre affirmation.En revanche, si l'entreprise choisit d'augmenter ses fonds propres (pour investir par exemple dans l'amélioration de ses moyens de production) au lieu de s'endetter (choix tactique ou stratégique), alors amha une baisse du cours de son action la pénalise.Meilleures salutations
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L
<br /> Oui, vous avez raison de le préciser, cela limite les possibilités d'appel au marché.<br /> <br /> <br />
A
Merci Loîc pour vos commentaires éclairants;Vu de France (et sans faire de politique bien sûr...) ils révélent à quel point nous baignons actuellement dans un océan de propagande quant aux "informations" économiques délivrées sur cette crise systémique.
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