La chasse au Trichet...

Publié le par loïc abadie

Comme à chaque période de crise, le sport favori des experts, des dirigeants et des foules est de trouver un bouc émissaire. Cette fois, le coupable désigné s'appelle Jean-Claude Trichet, directeur de la BCE. Parmi les instructeurs du procès, nous trouvons ainsi :

- Le président Sarkozy qui l'accuse de « casser la croissance » (ce qui est une façon effectivement astucieuse de nous dire « attention, ça va aller mal, mais ce n'est pas de ma faute »)

- Certains investisseurs mécontents qui ne comprennent pas pourquoi leurs actions et leurs biens immobiliers ont subitement cessé de se diriger vers la stratosphère et voudraient se convaincre qu'une baisse des taux fera remonter miraculeusement leurs actifs.

- Des « économistes-people » comme Marc Touati, auteur d'une pétition "stop-trichet" assez ridicule : Ils peuvent ainsi « expliquer » pourquoi ils n'ont rien vu venir en 2007.

Marc Touati nous affirmait en effet le 5 juin 2007 ceci : « le contexte des marchés est d'ailleurs porteur et le restera au moins jusqu'à la fin 2008 » et  « le Cac 40 pourra atteindre les 7000 points d'ici 18 mois (fin 2008) ». Bien entendu si cette "brillante" vision ne s'est pas confirmée, c'est "de la faute à Trichet", mais en aucun cas une mauvaise analyse de notre ex chef-économiste de Natixis !

La baisse des taux serait donc selon eux la « recette-miracle » qui permettrait à l'Europe d'échapper à la crise et d'empêcher la contraction du crédit...Vision surréaliste de responsables aveuglés par une décennie de croissance artificielle, qui voudraient continuer encore un peu de croire que la croissance et la richesse d'un pays se créée toute seule en augmentant éternellement le crédit grâce à de simples décrets sur les taux d'intérêt ou par des « chèques-relance » type « chèques Bush ».

Un peu comme si une commission de surendettement disait à un ménage surendetté «Prenez un nouveau crédit, et achetez vite ce nouveau 4x4 dernier cri, nous vous offrons des taux préférentiels et nous vous payons les 3 premières mensualités »

Voyons sous forme d'un graphique l'effet des baisses de taux énergiques de la FED, tant vantées par nos instructeurs du procès anti-Trichet : 


La baisse des taux de la FED n'a en réalité servi strictement à rien, à part affaiblir la confiance des investisseurs dans le $ : Pendant que la FED baissait ses taux à répétition pour "stimuler l'économie et le crédit", le taux de croissance du crédit bancaire s'est en effet effondré, passant d'une moyenne trimestrielle de plus de 15% en août 2007à un rythme négatif à présent. Et les taux de défaillance sur les emprunts ont grimpé en flèche...

Situation qui augure d'un automne très difficile, la stimulation artificielle des chèques Bush prenant en même temps fin ce mois-ci.

(données : statistique H8 de la FED, ligne "loans and lease in bank credit")

Ce que j'ai déjà expliqué dans ce blog sur les taux se confirme : Quand les acteurs économiques ne peuvent plus et ne veulent plus augmenter leur endettement, la machine s'arrête, quelles que soient les mesures choisies par les décideurs...Tout simplement parce dans un contexte d'immobilier en plein effondrement aux USA, et de banques qui ont de moins en moins de cash disponible pour produire des prêts, la demande et l'offre de crédit se réduisent simultanément. 

Fait amusant : le cycle étant décalé de quelques mois en Europe, nous sommes encore (temporairement) dans une phase d'expansion rapide du crédit en Europe (12% / an), malgré les taux plus élevés de la BCE, ce qui est bien la preuve que le problème n'a aucun rapport avec les taux de la BCE !

Il faut voir la réalité en face : La période d'économie artificielle, qui se maintenait à flot à l'aide de 4 000 milliards de $ d'expansion annuelle de la dette aux USA et de 2 800 milliards en Europe prenant fin, rien ne pourra empêcher une récession sévère de toucher les USA puis l'Europe.

Les autorités sont en effet « coincées » entre deux feux et leur marge de manœuvre est quasiment nulle : 

- Si elles baissent les taux directeurs et pratiquent la fuite en avant par des plans de relances de la consommation type « chèques bush », la monnaie se dévalue, les taux longs remontent (les banques centrales n'ont aucun moyen réel de les contrôler), et les emprunteurs sont au final pris à la gorge.

- Si elles défendent leur monnaie et adoptent une politique budgétaire plus rigoureuse, la consommation chute et la bulle de crédit implose aussi, de façon « naturelle » sous son propre poids...

Si il est trop tard pour empêcher la crise à l'échelle d'un pays, il est toujours possible de s'en protéger au niveau individuel, en s'aidant des conseils du livre "la crise financière 2008-2010" et de ce blog (ainsi que d'autre sites comme ceux indiqués dans la rubrique "liens")...Mais laissons Mr Trichet là où il est, il fait son travail correctement !


Publié dans actualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Merci encore une fois pour votre travail Monsieur AbadieSurtout ... ne changez rien !Bonne continuation
Répondre
V
Félicitation pour la qualité d'analyse de ce blog. Les articles y sont très intéressant et proposent un point de vue bien différent (et certainement de meilleure qualité) de ce qu'on peut nous montrer dans les médias classiques.
Répondre
L
chevallier sur son blog(http://www.jpchevallier.com/) semble dire que c'est la création monétaire qui enfle à un rythme annuel de 12% et que cette création monétaire est due principalement aux retraites non comptabilisées au niveau des états membres(cela reste de la dette)
Répondre
L
<br /> <br /> La création monétaire au sens strict (celle contrôlée par les banques centrales) est actuellement quasiment nulle : l'agrégat M1 ne varie pas, aussi bien aux USA qu'en Europe.<br /> <br /> <br /> La création monétaire au sens large (celle mesurée par M3) augmente rapidement, cette hausse est liée à l'expansion très rapide et anarchique du crédit (elle se poursuit pour le moment en Europe,<br /> mais semble avoir calé net depuis 3 mois aux USA). Cette tendance devrait s'inverser radicalement quand nous serons au coeur de la crise, par contraction du crédit.<br /> <br /> <br /> Enfin, l'auteur de ce blog "jpchevallier" est visiblement complètement aveuglé par son adoration envers ce qu'il appelle les "reaganomics"...et a perdu tout contact avec le monde réel en<br /> accumulant des propos assez comiques du type :<br /> <br /> <br /> "La politique monétaire de la Fed aura été parfaite pour les Américains."<br /> "L’économie américaine se redresse normalement après la baisse des taux de la Fed, avec des gains de productivité très importants (beaucoup d’emplois sont supprimés)."<br /> <br /> <br /> J'ignore quelle est sa planète de résidence et où il se trouve pour affirmer que l'économie américaine se "redresse normalement" et que des suppressions d'emplois sont un signe de bonne santé, de<br /> "politique parfaite" et de "redressement économique" ?<br /> <br /> <br /> Je crois dans l'économie de marché, et dans un libéralisme sain et maîtrisé...Mais ce n'est pas pour cela que je vais m'émerveiller devant la fuite en avant incontrôlée à l'oeuvre depuis la fin<br /> des années 90. !<br /> <br /> <br /> <br />
D
De mon point de vue, il est normal qu'un responsable d'une banque centrale ne satisfasse pas, à court et moyen terme, les financiers et les politiques ! Ils n'ont tout simplement pas les mêmes contraintes à gérer...
Répondre
P
j'ai acheté le livre, bien que n'etant pas un boursicoteur (et vu ce qui se trame, c'est pas le moment d'essayer de le devenir) j'ai toruvé ce livre tres interessant et relativement clair (pour quelqu'un comme moi, qui pige que dalle à la bourse).Ce qui m'a particulierement interessé, c'est l'aspect psychologique qui touchera les peuples.C 'est presque carrement la guerre civile ( au fond) qui se prepare.
Répondre