Economie US : d’où vient cette résistance ?

Publié le par loïc abadie

 
Les derniers chiffres tombés indiquent pour le moment que la crise en cours sur le secteur immobilier n’a toujours pas impacté fortement le reste de l’économie :

- Les ventes au détail sont en hausse de 0,6% en septembre.
- Les divers indicateurs d’activité ne faiblissent pas vraiment (ISM, Michigan à peu près stables, rebond léger des indices de Philadelphie et New-York), les capacités d’utilisation dans l’industrie plafonnent mais ne baissent pas encore (
http://research.stlouisfed.org/fred2/series/MCUMFN?cid=3)
- Et bien sûr, pour compléter ce tableau, les bourses mondiales et marchés de matières premières continuent plus que jamais leur ascension comme si il n’y avait aucun problème.
 
Comment expliquer cette curieuse résistance de l’économie ?
 
La clé du problème est sans doute à chercher dans le refinancement hypothécaire : 

En situation de hausse de l’immobilier, les ménages peuvent augmenter le montant de leur hypothèque sur leur habitation pour obtenir du cash et consommer. C’est ce schéma qui a permis le dernier cycle de croissance en cours depuis 2002.
La dernière étude disponible sur le sujet (Freddie Mac, 2ème trimestre 2007) date un peu mais permet de mieux comprendre certaines données essentielles sur le refinancement hypothécaire :
 
Deux remarques :
 
-         L’âge moyen d’un prêt refinancé était de l’ordre de 3 ans, et évidemment 83% des refinancements ont été faits pour obtenir un prêt plus gros (donc du cash pour consommer).
-         Au moment du refinancement, la hausse de valeur du bien refinancé était de l’ordre de 25% (moyenne des 3 derniers trimestres).
 
Au vu de ces données, il y a un stock encore important de ménages qui peuvent refinancer leur bien immobilier pour un montant plus élevé, vu la hausse de l'immobilier sur les 3 dernières années, et ce sera le cas tant que les prix de l’immobilier ne seront pas engagés franchement dans une phase de baisse rapide.

Actuellement nous sommes en début de crise immobilière : il y a bien un plongeon impressionnant au niveau des volumes, mais les vendeurs refusent pour le moment de baisser leurs prix, et ce début de crise se traduit donc par une simple accumulation des stocks invendus…cette situation ne pourra évidemment pas durer très longtemps, et les premiers signes francs d’une baisse de prix commencent à apparaître, avec une baisse des prix de l'ordre de 4% sur un an.
 
Mais en attendant, le refinancement hypothécaire continue visiblement de « perfuser » l’économie...et il n’y a que deux évènements capables d’arrêter cela : 
-         Une perte de confiance des ménages (possible à tout moment dans le contexte actuel, mais difficile à anticiper vu qu’on est sur de la psychologie pure).
-         Une baisse franche des prix immobiliers (si on en croit le Case shiller index, c’est une question de mois).
 
En attendant, les dernières données, datant du début octobre confirment la vigueur persistante du refinancement hypothécaire : 

-   Les demandes de prêts hypothécaires ont continué à progresser en octobre (+8,6% par rapport à la même période de 2006), et la part du refinancement dans ces prêts reste à des niveaux exceptionnellement élevés (46%) : 
Lien
 
- L’encours des prêts immobiliers des banques commerciales (environ 1/3 du marché) ne montre aucun signe de faiblesse : Voir ce graphique

 
 

Publié dans économie générale

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S
Je trouve ce blog excellent, mais en Europe apres le RU c est l Espagne qui devrait chuter, hors l IBEX est au plus haut,( meme vendredi il n a pas bouge !!!) alors que le DJ reculait apres le plongeon de jeudi de 150 points vers 16h problemes de ponderation..???.et les banques espagnoles se portent bien...une explication ???
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L
L'Espagne est le pays en Europe où la croissance de l'endettement est une des plus rapides d'Europe (près de 20%/an pour la dette des ménages). Cette donnée explique en grande partie la vigueur de la croissance dans ce pays (et de sa bourse) et l'ampleur de la bulle immobilière de ce pays...mais pour moi l'IBEX n'a aucune raison sur le long terme de résister à la conjoncture internationale et à l'implosion de l'immobilier espagnol.
N
Voici un lien donnant exactement la même analyse, mais qui a l'avantage supplémentaire de proposer une mise à jour concernant l'évolution du MEW en 2007 (mise à jour du graph de "l'ère de la dette 3").http://seekingalpha.com/article/48845-mortgage-equity-withdrawal-only-modest-drag-on-consumer-spending
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F
Bonjour,merci d'alimenter ce blog avec de si bonnes analyses et critiques!Je suis plutot néophyte en économie et j'me documente à droite à gauche (ici, sur d'autre blog et surtout sur le site du LEAP) et il ya un concensus générale: La crise va etre sans commune mesure et ça va faire mal! très mal!)Certain y vont de leur analyse plus ou moins pessimiste! Le site LEAP envisage le début de la grande crise entre novembre 2007 et février 2008...Bref rien que vous ne sachiez déja mais voila, j'me pose une question très simple!Si la crise est si proche et d'une ampleur jamais égalé, pourquoi les élites (intellectuelles, politiques, visibles... etc) ne bronches pas?ça devrait commencer à se savoir nan? un peu à la façon du réchauffement climatique ou on commence à peine à formater la conscience publique à ce grand boulversement (encore un tient!) écologique, humanitaire et géopolitique...encore merci pour tes excellents papiers Loïc! :)
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L
Les "élites" n'ont rien vu venir en 1929, idem en 1990 pour le credit crunch japonais...et c'est le cas pour presque toutes les récessions, petites ou grandes.Une explication possible (hypothèse très personnelle) : Les élites ont une caractéristique commune : pour progresser dans la hiérarchie (que ce soit administrative ou politique), il faut être très "grégaire" et surtout pas contrarien, donc suivre la psychologie générale des foules pour être élu ou promu. Donc en phase d'euphorie collective, les élites en place sont aussi généralement très confiantes.Actuellement elles doivent quand même commencer à se rendre compte qu'il y a un problème, l'ennui est qu'il est beaucoup trop tard pour réagir (la bulle de crédit est largement trop grosse)...donc la seule chose que les dirigeants peuvent faire est d'essayer de rassurer un peu les acteurs économiques avec des mesures qui ne servent pas à grand chose sur le moyen/long terme comme les baisses de taux.
J
Complètement débile ce scénario de crédit crunch. La crise immobilière ne touche que les pauvres. Si cela devait toucher largement les classes moyennes, les us feraient face : dépréciation du dollar, new deal etc... Ce sont les pays émergents (inde, chine, etc) qui ont du soucis à ce faire, comme d'hab.
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P
Je viens sur ton Blog régulièrement et j'appécie énormément tes articles argumentés et appuyés sur des données et graphiques accessibles par les liens que tu insères.Je suis entièrement d'accord avec toi, une crise arrive et il pourrait s'en suivre une dévaluation de tous les actifs (immobilier, ça a commencé, matières premières, actions surtout en Asie). Mais avant cette phase de déflation, il y aura une phase d'inflation violente essentiellement due aux matières premières très chères et à l'emballement de la Chine.Maintenant c'est une question de temps... je suis étonné de l'insouciance des ménages américains qui continuent à emprunter et consommer comme si de rien n'était!Ils sont fous ces ricains!Je trouve particulièrement démonstratif le graph sur les permis de construire et les récessions provoquées par les chutes des demandes.Bonne continuation
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